Vauban en avait déjà suggéré le creusement en 1658. Capitaine d’infanterie en Lorraine, il avait imaginé cette voie, afin de servir aux magasins de l’armée autant qu’à l’économie du pays.
Le grand constructeur de nos célèbres ouvrages de défense ne réalisera jamais ce projet, c’est pourtant son tracé qui sera pratiquement adopté 200 ans plus tard en 1874, après bien des études et projets opposès qui virent le jour entre la révolution et 1842, date à laquelle on entreprend le creusement du canal de la Marne au Rhin terminé en 1854.
Le canal de l’Est tel qu’on le nommera dès lors répond à un besoin urgent. Rappelons que le traité de Francfort vient de faire perdre à la France l’Alsace-Lorraine et avec elle les voies navigables de l’est. Le nouveau canal doit relier la Saône et la Moselle aux voies navigables de la Belgique et de la Hollande. Les travaux qui seront achevés sur les 476 Km de son tracé en 1884, auront été rendus possibles grâce à l’argent avancé par les cinq départements parcourus: la Haute Saône, les Vosges, la Meurthe et Moselle, la Meuse et les Ardennes, ainsi que par une souscription garantissant chacune 1 Km. Cette opération aura été un succès puisque se présenteront 2000 preneurs pour les 500 parts proposées.
Mais revenons en 1872. Notre région se trouve brutalement propulsée au rang de zone frontalière avec le vainqueur de Napoléon III: la Prusse de Bismarck. Et tous de reconnaître la nécessité de redessiner les voies de transport. La Moselle et le Rhin sont perdus; pour combien de temps?: «Ce n’ame po tojoà!» La Prusse est puissante puisqu’à l’apogée de sa croissance politique et économique. Le fleuve Meuse gagne alors brusquement une importance qu’il semble perdre à nouveau de nos jours au profit de cette même qu’il a suppléée jadis.
La municipalité de Bras reconnaît le bien-fondé d l’implantation mais s’inquiète de l’amputation de ses meilleurs terres, considérable en regard de la modeste superficie communale, ainsi que du devenir de la qualité de celles qui vont se retrouver enclavées entre les deux voies.
En réponse à une demande du préfet, la municipalité conduite par Monsieur Paquin, refuse sa participation financière aux travaux prétextant le coût qu’elle s’est imposée pour la construction du pont sur la Meuse qui s’est élevé à la somme de 23 000 francs.
Devant les difficultés de la municipalité, le Préfet propose l’établissement d’un port de 265 mètres sur 40 de large avec double rampe d’accès empierré vers Bras et Charny. Le conseil refusera ce projet et alléguera l’impossibilité de trouver une compensation à la perte des terrains et de leurs récoltes, le coût de la construction et le salaire de l’éclusier. Ramené à une longueur de 100 mètres, le port sera toujours rejeté.
Le 16 Septembre 1875, le Conseil examine le plan parcellaire qui lui est présenté et accepte les offres de l’administration pour un montant de 46 085 francs indemnisant la commune de la perte des terrains sur les Lieux-Dits: le Taureau, l’Etang, le Pré sous Bras, le Chemin de la Barque, sur le Pont, le Pré l’Ily. La somme servira en partie à acheter à la Bourse des rentes à 3% garantissant à la commune une rente annuelle de 2000 francs. Pour l’anecdote, il est intéressant de noter que dès 1880, le Conseil déplore que suite aux infiltrations des eaux du canal, les chemins latéraux sont dans le plus pitoyable état et que les foins sont dans l’eau. Histoire à suivre…
Aujourd’hui les péniches se font rare, mais il en passe encore. Pendant que je prépare ces lignes, j’en ai vu passer trois ainsi que plusieurs jolis bateaux de plaisance. Exceptionnel, peut-être!
Alors sonnera-t-on bientôt le glas de cette profession? Est-elle si inutile à l’ ère des 38 tonnes sillonnant à vive et bruyante allure nos routes et nos villages? Le gestionnaire technocrate aura, c’est sûr, le dernier mot. Mais le tourisme fluvial existe, nos amis de la nature aussi. Notre paysage meusien mérite qu’on s’y attarde.