« Question d’un nouvel arrivant: pouvez-vous me dire comment on appelle les habitants de Bras? La même perplexité se lit alors sur les visages interrogés. Il s’avère que les habitants de Bras s’appelleraient tout simplement: les habitants de Bras! »
Ces quelques phrases figuraient dans le BIB de décembre 1989, en préambule au long chapelet de vers inspiré à Roland Jourdain par son imagination fertile, pour tenter de solutionner le problème avec humour. Douze ans plus tard alors que la population de notre village ne cesse de s’accroître, un bref commentaire s’impose.
Après avoir fouillé les archives poussiéreuses de la commune et consulté moult dictionnaires, il semble effectivement qu’aucune appellation officielle ne soit référencée, fait confirmé par les anciens du village hélas décédés depuis, gardiens de la mémoire orale de Bras. Et si l’origine du nom de notre commune a fait couler l’encre de Dom Calmet et bien d’autres depuis, on ne parle de ses habitants dans les textes anciens rédigés en français qu’en terme de bourgeois et bourgeoises, gens, ou communauté.
N’oublions pas que les populations rurales, elles, parlaient le patois meusien, langage de nos campagnes aujourd’hui quasi disparu. Dans cette langue, dont les finales variaient souvent de village en village dans leur prononciation, les habitants de Bras – comme d’ailleurs ceux de Charny s’appelaient « les cawés ».
H. Labourasse ne propose pas de traduction de ce mot – que certains rapprochent de cawette: petite queue – dans son ouvrage intitulé « Anciens us, coutumes, légendes, superstitions, préjugés etc. du département de la Meuse ». Voici son explication des sobriquets usités à l’époque. « Ces surnoms collectifs, plus ou moins désobligeants, remontent fort haut: ils ont pour origine probable les rivalités de voisinage dues surtout aux querelles sanglantes et répétées des seigneurs pour qui leurs sujets prenaient fait et cause. La guerre de Cent ans, les guerres de religion ensuite, qui divisèrent en deux camps nos provinces et jusqu’à nos villages contribuèrent à entretenir la mésintelligence entre les habitants des localités voisines.
Parfois, les surnoms formés du nom du village sont absolument inoffensifs. Mais plusieurs de cette catégorie ont une finale méprisante. Une série de surnoms, assez nombreuse, est due à l’assonance. Certains, plus rares, sont des jeux de mots. D’autres encore tiennent au milieu naturel, à l’industrie locale ou aux produits du sol. Evidemment, à leur origine, tous les surnoms exprimaient une idée, juste ou exagérée; beaucoup n’ont plus pour nous aucun sens précis, grâce à l’évolution lente des idiomes populaires. » Si le terme de « cawés » témoigne de notre histoire, il semble en revanche peu adapté pour être utilisé en ce début de troisième millénaire. Faut-il lancer un concours, mettre à contribution les écoles ou les linguistes pour remédier à cet état de fait à tout prix, de façon arbitraire? ou au contraire garder cette particularité comme la continuation du passé? Les avis sont partagés. En attendant, quand le prochain rallye traversant le village sonnera à votre porte pour vous demander le nom des habitants, vous saurez quoi répondre.
Pour information: Les habitants de Bras (83) s’appellent les brassois et les habitants de Bras d’Asse (04) les bras d’assiens.