Un peu à l’écart du village, placée sous l’invocation de Saint Maurice, l’église de Bras est de construction récente et ne peut à elle seule témoigner de son histoire, mais son origine est ancienne. Le pouillé du diocèse de Verdun nous apprend que la bulle de St Léon IX de l’an 1049 mentionne déjà le droit pour l’abbesse de l’abbaye de Saint Maur de nommer le curé dans notre paroisse.
Plus près de nous, aux archives départementales de la Meuse, les textes citent en 1298 le «seignour Mille, prestre et curé de l’église de Bras devant Charney» qui pourra, à l’exclusion de la ferme de Saint Paul, choisir deux laboureurs sur lesquels il «tirera» la moitié des grosses et menues dîmes, les religieuse de l’abbaye de Saint Maur touchant l’autre moitié . La haute seigneurie de Bras appartient à l’évêque de Verdun bien avant le 9ème siècle et l’abbaye de saint Maur est la principale décimatrice.
Dans les temps anciens jusqu’à sa destruction au cours de la première guerre mondiale, l’église se situe en face de son emplacement actuel, entourée du cimetiére, terre d’asile où peuvent se réfugier les coupables en toute impunité.
Chaque dimanche, les hommes et les femmes de Bras la grande et la petite se serrent dans le sanctuaire, vraisemblablement debout, pour assister à la messe. L’église et la nécropole qui l’entoure deviennent progressivement un foyer de vie sociale où se mêlent le sacré et le profane. La réunion hebdomadaire permet à beaucoup de se retrouver, de conclure des affaires. Les actes officiels sont lus à la sortie de l’office : «Nous soussignés maire et gens de justice de Bras certifions et attestons à tous à qui il appartiendra, que le présent papier terrier et le mémoire qui le suit ont été lus trois dimanches consécutifs à l’issue de la messe paroissiale, la communauté du dit Bras assemblée à l’ordinaire».
En Meuse, le climat d’insécurité persiste bien après le Moyen Age et l’église, en général seul édifice couvert assez vaste pour contenir toute la population, devient un lieu de résistance armée. On trouve peu de sources écrites relatives à ce phénomène de défense, soit parce qu’elles n’ont pas été conservées, soit parce que les travaux se sont effectués en situation d’urgence, sans en référer aux autorités administratives . Les relations entre les paroissiens et les bénéficiaires de la dîme, chargés les uns et les autres de l’entretien ou de la réparation des différentes parties de l’église, donnent parfois lieu à des procès.
Je n’ai plus trouvé trace de l’église jusqu’en 1779. Là, dans une lettre à l’abbesse de l’abbaye de Saint Maur, «les maire habitants de la communauté de Bras» lui signifient que «leur église étant vieille et insuffisante, il a été arreté qu’il en serait construite une neuve dans le même emplacement, capable de les contenir, sans toucher au choeur» qui lui appartient comme décimatrice. La vente du quart en réserve de leurs bois n’étant pas suffisante pour couvrir les dépenses de cet ouvrage et de celui du clocher, ils espèrent qu’elles les «assisteront de leurs bienfaits» . L’église est reconstruite en 1781.
L’an 1782, le 22 du mois de septembre, fête de Saint Maurice, Nicolas Goeric Collin, curé de Bras, avec la permission du seigneur évêque, bénit la nouvelle église, en présence de toute la paroisse assemblée à cet effet, de Jean Viard et Nicolas Haumont échevins, jean Hazard maire et des habitants notables.
La révolution arrive, amenant avec elle la terreur et son anticléricalisme. Les statues de l’église sont détruites, les ornements et objets de culte sont déposés au district de Verdun. Le 8 prairial an 3 (27.5.1793), Louis Péridon, commissaire expert nommé par les administrateurs du district de Verdun estime l’église et le cimetière à 6000 livres valeur 1790 et 24000 livres le dit jour. L’église, déclarée propriété nationale par les lois de l’époque révolutionnaire, ne sera jamais vendue. En l’an 8, les registres d’état civil mentionnent la célébration du seul mariage de l’année dans «le temple décadaire de la commune du dit Bras». L’édifice est en effet ouvert à tous les cultes, dont le culte décadaire, bien que l’attachement à la religion catholique l’emporte.
Après la nomination d’un prêtre à la cure de l’an XI, la commune cherche à réunir les fonds nécessaires aux réparations du clocher et de l’église. Les travaux s’effectuent en 1812, et l’édifice s’enrichit d’une horloge. Elle fonctionnera jusqu’en 1861 puis sera remplacée par une neuve, fournie par Mr Mazilier, horloger à Verdun.
On note par la suite des réparations au beffroi et au clocher, d’abord espacées (1828, 1848) puis de plus en plus fréquentes (1852, 1859, 1863), l’église commençant à présenter des signes de vétusté. En août 1871, un devis 2950 francs 60 prévoit «le remaniement de la couverture de la nef et le rétablissement de celle du clocher (établie en ardoise), la consolidation du beffroi, des réparations d’enduits, de crépis, de rejointoiements et au plafond, des réparations à faire aux fenêtres, aux boiseries du choeur, au plancher des bas côtés». Les travaux ne sont achevés qu’en 1873.
En 1881, on mentionne à nouveau des réparations urgentes aux murs et au plafond de l’église. La reconstruction du sanctuaire est à nouveau envisagée en 1895 et donne lieu à un devis établi par M. Medard, architecte, faisant état d’une voute en briques et d’un montant de travaux de 16000 francs. Il semble qu’ils n’aient pas été effectués.
Notre église est détruite au cours de la bataille de Verdun. Un ancien soldat, revenu en pèlerinage sur les lieux, écrira à l’abbé Rogé que «l’abri de ses pierres et les tombes du cimetière qui se trouvait en ce temps autour de l’église leur ont servi de refuge et de poste de combat».
Sa reconstruction s’est faite en 1927 par l’entreprise Demenois, sur les plans de MM. Delangle et fils, architectes à Verdun. Face à l’édifice détruit par la guerre, elle occupe l’emplacement de l’ancienne mairie-école (cf BIB n°9). Son gros oeuvre utilise le calcaire : pierre de taille et moellon recouvert d’un enduit. La couverture allie la tuile mécanique et l’ardoise pour le clocher. L’église est de plan allongé, à un vaisseau (1), avec une voûte en berceau ; sa toiture est à longs pans avec croupe et flèche polygonale. La tour clocher est en demi hors oeuvre en façade. Le chevet est polygonal.
Comme dans la majorité des édifices reconstruits à cette époque, les matériaux résistants et économiques remplacent les matières nobles telles que la pierre de taille ; la peinture décorative vient pallier la réduction des sculptures. Les frises au pochoir s’associent aux symboles. Le choeur de tonalité bleu gris, parsemé de motifs jaunes, montre la trinité au centre dans un ensemble rayonnant ; elle est aussi reprise en symbole sur l’arc triomphal. Au bas des murs, la communion est évoquée par des grappes de raisin alternant avec des épis de blé. Dans la nef peinte en jaune pâle, on reconnaît successivement sur la voûte : le pélican et ses petits (la bonté), la tête du Christ crucifié (la Passion) et 2 colombes sur une coupe. Les 4 arcs sont ornés de guirlandes de grappes de raisin. Sur les murs latéraux, 2 monogrammes encadrent la croix. Ils sont formés des lettres grecques X et P, premières lettres du mot Christ, accompagnées d’alpha et oméga, 1ère et dernière lettres de l’alphabet symbolisant le commencement et la fin.
Les verrières ne sont pas signées. Mais l’iconographie et la disposition utilisées sont très proches des vitraux de l’église de Vacherauville réalisés par Jean François AUTE. Parallèlement à l’érection des monuments aux morts, des oeuvres artistiques se rattachant à la mémoire du conflit sont apparues dans les églises après la première guerre mondiale. Celle de Bras ne fait pas exception. Parmi les vitraux offerts par les paroissiens lors de la reconstruction du lieu de culte, l’un d’eux, «les deux sacrifices«évoque le souvenir de deux frères morts au champ d’honneur, René et Pol Latrompette.
Le chemin de croix est l’oeuvre de Lucien Lantier (27/7/1879-1960), médaille d’or au salon des artistes français en 1921 et conservateur au Musée de la Princerie de Verdun. D’après une habitante de Vacherauville, l’abbé Bonne, curé des deux paroisses, l’aurait installé dans notre église alors qu’il était initialement destiné à son annexe.
Contrairement aux idées reçues, notre église, bien que récente, conserve du mobilier et des objets antérieurs à 1914, dont il est difficile d’affirmer la provenance : récupération de l’ancienne église ? don des communes libérées ? évêché ? La chapelle des morts à droite de l’entrée abrite un ancien autel en chêne peint gris et doré datant du 19ème siècle. Le tombeau porte en son centre une croix de Malte rayonnante. Le tabernacle du 18ème siècle qui le surmonte, en chêne lui aussi, est peint en blanc et doré. Il est sculpté sur ses trois faces et orné de guirlandes de fleurs et décor rocaille. Sur la porte : l’agneau pascal, symbole de la crucifixion et de la résurrection au dessus du livre aux sept sceaux, les instruments de la passion et une nuée rayonnante. Le côté droit montre un ostensoir, un ciboire et un rameau d’olivier ; le gauche : un calice, une croix, une étole et un autre rameau d’olivier. Dans la nef au-dessus de l’entrée, le Christ en bois peint est du 18ème siècle. Celui du choeur, en bois peint également et datant du 19ème siècle a été replacé sur une croix moderne. La colonne des fonts baptismaux, en pierre, vient d’être restaurée. La cuvette de marbre qu’elle supporte date du 18ème siècle. L’église ne possède pas de statues de bois. Elles sont toutes en plâtre et postérieures à la guerre, sauf peut-âtre la Vierge à l’enfant dans la chapelle à droite de l’entrée, qui pourrait être en terre cuite et remonter à la fin du siècle dernier.
Notes 1 vaisseau : en architecture, espace intérieur, en général allongé, occupant la plus grande partie de la hauteur d’un bâtiment ou au moins plusieurs étages (nef à 1 ou à 3 vaisseaux). 2 croupe : pan de couverture de l’extrémité d’un comble, généralement triangulaire. 3 chevet : partie postérieure externe, du choeur d’une église.
Sources Inventaire du patrimoine de Lorraine. Canton de Charny (Centre de Documentation du patrimoine, 29 rue du Haut Bourgeois, Nancy)«La peinture décorative dans les édifices religieux». La Meuse Touristique n°14 (juin 1933).
A lire aussi : L’église actuel