Pêcheurs qui rejoignez la Meuse à Bras en empruntant « le pont cassé », l’aviez-vous remarquée ? Longtemps on a pu deviner les pierres se cachant sous la végétation et la mousse, dans le creux du petit canal. De la maison de l’éclusier, il ne restait que quelques parpaings, l’angle d’un mur. En aménageant le « Brachar », parcours de pêche à la mouche au fouet, la société de pêche « La goujonnière meusienne » a remis en eaucette portion de l’ancien canal et fait disparaître les restes de l’habitation. Mais les deux têtes de l’écluse, encore bien visibles, témoignent du passé.Au milieu du 19ème siècle, le Canal de l’Est n’existait pas encore. A la hauteur des moulins de Charny où 2 roues actionnaient une scierie et un moulin à farine (1), les bateaux sur la Meuse empruntaient un pertuis de navigation, situé entre ces derniers et le déversoir. L’Etat avait la charge d’entretenir les vannes qui servaient à son fonctionnement. Mais il n’était pas rare que la fonte des glaces ou les crues les emportent avec le courant, occasionnant de nombreuses plaintes du meunier qui voit ainsi s’échapper toute sa force motrice.
D’après un rapport de l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées, le poste d’éclusier de Charny avait été créé par décision ministérielle du 11 avril 1855 ; nous ignorons s’il fut pourvu. En juin 1865, peu avant l’achèvement des travaux, l’administration se met en quête d’un éclusier.
Parmi les 3 personnes qui se présentent, elle engage un habitant de notre village : M. Jean Eugène Oury, arrière grand-père de Mme Claudel. « Ancien militaire, il travaille depuis deux ans sur les chantiers de la Meuse. Il possède l’ instruction élémentaire nécessaire et des garanties morales suffisantes pour cet emploi où il devra être assermenté. De plus, il a donné de lui une très bonne opinion par sa régularité et son exactitude lors de son précédent travail. » Né à Bras de père vigneron, il est alors âgé de 30 ans et marié depuis deux ans. Le couple a perdu un enfant en bas âge et est parent d’un petit garçon de 6 mois. La naissance d’une petite fille un an plus tard à Bras nous laisse supposer qu’il n’ emménage peut-être pas immédiatement dans la maison (4). 3 autres enfants viennent ensuite au monde à Charny avant le décès de Mme Oury, un mois après son dernier accouchement. L’éclusier se remarie quelques années plus tard. De cette nouvelle union naîtront 3 enfants à Charny, puis 3 à Bras après l’ouverture du Canal de l’Est. Parmi eux, deux garçons : Jules Eugène et Henri Emile mourront pour la France au cours de la première guerre mondiale. Ils sont inscrits sur notre monument aux morts. Jean Eugène Oury est admis à la retraite le 1er décembre 1897 à l’ âge de 62 ans. Il décédé à Bras dix ans plus tard.
NOTES
1. Au même emplacement que l’usine électrique actuelle.
2. Après approbation du ministère des travaux publics, deux projets sont établis. C’est le second qui est retenu. Plus éloigné de la rive que le premier, il est plus onéreux en indemnisation de terrain mais moins coûteux dans sa réalisation.
3. Parement : face extérieure, visible, d’un ouvrage.
4. La maison, tout comme la vieille écluse, est située sur le territoire de Charny.
SOURCES
Dossiers 77 S 14 et 4 Sp 17 des Archives Départementales de la Meuse.