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    La commune de Bras-sur-Meuse appartientau canton de Belleville-sur-Meuse...
La quille

Le 22 février 1996, le président de la République, Monsieur Jacques Chirac, annonçait la suspension de la conscription (1) , système de recrutement militaire fondé sur l’appel annuel du contingent, et le passage à  une armée professionnelle. La classe 1998 était la dernière du service national. Avec elle disparut ce qui fut pour nos aïeux pendant plusieurs générations un véritable rite de passage.

Depuis 200 ans , la loi était basée sur les notions d’obligation et d’universalité: « Tout français est soldat et se doit à la défense de la patrie. ». Cette loi, dite Jourdan-Debrel, en instaurant la conscription, jetait les bases d’un service militaire obligatoire pour répondre aux besoins de la défense et à  divers impératifs de solidarité.

Lorsqu’en 1792, les forces militaires de la coalition envahirent la France, l’enthousiasme révolutionnaire aidant, un large mouvement d’enraiements volontaires répondit à  l’appel de Danton. Mais l’armée était insatiable et cette ardeur s’essouffla rapidement. Le 23 août 1794, la Convention se vit dans l’obligation d’ordonner la levée en masse : tous les célibataires âgés de 18 à  25 ans furent appelés sous les drapeaux. Cette mesure fut rendue permanente à  la fin du Directoire par la loi Jourdan (1). En vertu de celle-ci tous les hommes âgés de 20 à 25 ans, divisés en cinq classes étaient dès lors susceptibles d’être appelés, en fonction des besoins, pour un service théorique de 5 ans, prolongeable sans aucune limite en temps de guerre. La valeur d’une armée de métier étant reconnue supérieure à celle d’une armée de conscrits, un service militaire long avec des effectifs réduits avait été préféré à  un recrutement en masse pour une période de courte durée.

Des aménagements furent apportés sous le Consulat et l’Empire. Quatre ans après la promulgation de cette prescription, la nouvelle loi de 1802 autorisa les remplacements. Les conscrits aisés eurent la possibilité de payer un suppléant pour éviter leur incorporation, ce dernier ayant à  son retour de quoi s’établir avec l’argent reçu. La généralisation de ce principe fut légalement  admise par le décret du 8 nivôse an XIII (29 décembre 1804). L’accord était fréquemment stipulé par contrat devant notaire pour garantir les intérêts des deux parties. Ils furent massifs sous le 1er Empire, suscités par les levées successives de Napoléon, avec un maximum en 1812 et 1813 : les malheureux qui « tombaient au sort » avaient peu de chances de revenir. Mais les vétérans rescapés, véritables héros, eurent de fabuleux souvenirs à  évoquer lors des veillées d’hiver.

Le tirage au sort, institué le 28 décembre 1803, écornait davantage encore le principe d’universalité. Dorénavant, c’est le hasard qui désignait les futurs soldats et exemptait les plus chanceux. Il y avait plus de numéros qu’il ne fallait de conscrits pour le canton,  pour le cas où ceux désignés seraient réformés. Celui qui tirait le nombre , sûr de partir, était surnommé « le bidet » (l’âne). Celui qui obtenait le plus gros numéro, donc le plus certain de rester, était appelé « le laurier ». Hormis quelques modifications mineures, ce système constitua la base du recrutement militaire pendant tout le 19ème siècle. Après 1889, il ne servit plus qu’ désigner l’arme où servait le conscrit.

Sous la pression de l’opinion publique, la Restauration abolit la conscription pour revenir à l’ enraiement volontaire complété, en cas d’insuffisance, par l’appel des hommes désignés par le tirage au sort. Les piètres résultats obligèrent le maréchal Gouvion Saint Cyr à la réinstaurer. Le temps « sous les drapeaux » augmenta, pour atteindre en 1824 un maximum de 8 ans. Les appelés étaient « exemptés et remplacés, dans l’ordre des numéros subséquents » pour : défaut de taille, infirmité, maladie, ou s’ils étaient mariés ou veufs avec enfants.

Sous la 3me République, les remplacements furent abolis par la loi du 27 juillet 1872, et le tirage au sort disparut avec la loi du 21 mars 1905 instaurant le service militaire obligatoire pour tous. De 1872 à  1889, sa durée était de 5 ans pour les petits numéros et d’un an seulement pour les gros. Des lois, particulièrement celle de 1872, contribuèrent à  élargir les motifs de dispense aux familles déjà  marquées par les prélèvements militaires ainsi qu’à  certaines professions notables, comme les corps enseignant et ecclésiastique, qui restèrent mobilisables.

Au siècle dernier,  à « ceux de la classe » se retrouvaient en tenue de conscrit au café du village pour organiser les réjouissances de cette grande année. Ayant hérité des attributs rituels de leurs prédécesseurs partis « faire leur temps », ils débutaient par la tournée des conscrites. Avec elles, ils allumaient les bûchers de carnaval et de la saint Jean, se retrouvaient aux veillées, et ouvraient les bals. Le jour du tirage au sort, avant de se rendre au chef lieu de canton, les conscrits assistaient à  une messe spéciale où les accompagnaient parents et amis. Puis ils étaient escortés par les principaux membres de leurs familles . Au retour, on achetait des cocardes, des rubans et tout le monde revenait en chantant.  Parfois, il y avait un bal au village pour compléter la fête. Le même cortège se formait le jour du conseil de révision et au départ pour l’armée, après que les conscrits aient fait leurs adieux dans chaque maison pour y recevoir quelque argent. Le cérémonial pouvait  néanmoins varier selon les communes.

A la suppression du tirage au sort en 1905, seul persista le passage aux tests d’aptitude du conseil de révision. Il avait lieu une fois par an au chef lieu du canton et tous les jeunes gens de la classe y étaient convoqués.

Après la guerre, toutes ces traditions disparurent peu à  peu. A partir de 1934, les classes furent dites creuses, puisqu’elles appelaient les jeunes hommes peu nombreux nés pendant la première guerre mondiale. Leur incorporation fut retardée de façon à  ce qu’il y en ait toujours le même compte au régiment. Un habitant de Bras de la classe 15 se souvient que la loi de deux ans fut votée pour sa classe. Sur la photo prise ce jour-là , rubans et cocardes existaient encore. La fête consistait en une sortie à  Verdun, jusqu’au lendemain matin pour les plus chanceux, ceux qui ne retravaillaient pas de bonne heure.

En 1966, la disparition du conseil de révision mit définitivement fin aux festivités conscrites. Aux regroupements collectifs des jeunes par canton succédait une convocation individuelle délocalisée. Rares sont les endroits en France où elles  se sont maintenues jusqu’à  nos jours, devenant des fêtes de village autour des classes d’âge sans plus de référence à l’armée.

(1) : Une Journée d’Appel Pour la Défense (JAPD) a été mise en place pour succéder aux « 3 jours ».

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